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Costa del sol

Voyage photographique Málaga-Gibraltar, Andalousie.

Costa del Golf. Partant de Málaga nous allons vers Cadiz prenant la route de la costa del sol. Une côte très réputée pour la quantité de soleil que l’on y trouve, le si peu de pluie et la quantité de ses golfs. Une quarantaine en tout, si verts quand la montagne est si rousse, brulée et pierreuse.

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Des golfs réputés pour la qualité et la variété de leurs parcours, la beauté des paysages qui les entoure, aussi ne faut-il pas s’étonner à l’aéroport de Malaga de voir descendre des avions tant d’allemands, tant d’anglais, tant de français équipés de leurs lourds et encombrants sacs de golfs, si larges qu’ils entravent les tapis roulants et escalators, provoquant d’étonnants tamponnements : les gens s’entassent invariablement poussés en avant par le tapis et le pauvre golfeur incapable de dégager son sac devient le bouchon de cet entassement.

Depuis la vitre de la voiture un ciel bleu à peine pollué par quelques lignes de nuage, nous sommes en novembre, l’hiver ici n’a pas entamé la vigueur des bougainvilliers et l’été semble intacte. Les versants des montagnes sont couverts de complexes hôteliers, de résidences agglutinées en série et similaires les unes aux autres, comme peut-être dans un rucher. Un grand rucher qui bétonne la rive et dont les cases vides sont toutes à remplir donnant à l’ensemble un air un peu esseulé,  morte saison peut-être, spéculation immobilière sans doute, la crise aura sans doute mis un peu de plomb dans l’aile de ces bâtisseurs. Beaucoup de ces terrasses tournées invariablement vers le soleil et vers la mer, vers l’Afrique à peine plus loin sont vides et sans stores, sans linge et sans bougainvillier.  La costa del golf, figée et cramée par ce soleil de novembre a le regard ailleurs, elle semble lointaine, si peu préoccupée de ce que l’on pense d’elle, de l’idée que l’on se fait de l’Andalousie dont elle n’a que faire, puisque l’Andalousie c’est aussi ça, l’amour du soleil, l’amour du golf, l’amour de la mer qui déplace les foules les plus riches vers ce paradis sur terre.
Michelle Obama n’était elle pas la reine de Marbella l’été dernier ?

Costa del sol, costa del golf, costa del crimen tambien. La côte du crime, un autre surnom donné à cette côte qui n’en demandait pas tant, mais la corruption et le trafic de drogue faisant leur chemin au milieu de tant d’argent et de luxe ont finit par avoir raison de  la grande époque où l’on voyait passer les Kennedy et les stars hollywoodiennes. Que la femme d’un tel président viennent y passer ces vacances avec sa plus jeune fille est une grande consolation, un nouveau crédit accordé à cet endroit du monde en mal de célébrité et de bienséance.

Après des kilomètres de route bordée de cette urbanisation galopante et de golf impeccables, se dessine au loin le rocher de Gibraltar. Au loin donc l’Angleterre, ces cabines téléphoniques et ces bus à deux étages.

Gibraltar est britannique depuis 1704, depuis que l’amiral George Rooke en prit possession au nez et à la barbe de l’Espagne et depuis la ville s’est crée sa propre histoire, loin des yeux de l’Angleterre et loin du cœur des Espagnols, elle vit sa vie d’excentrique, se refusant à tomber dans le giron ibérique et ne gardant de l’Angleterre que ce qu’elle estime être bon, la force de la livre sterling sans doute, et la détermination des insulaires qui ne veulent rien savoir des tractations à leur égard. Que l’Espagne les veuille, que l’Angleterre hésite à s’en défaire, ils n’en ont que faire, Gibraltar est à eux et le débat est vain.

Un tout petit territoire de 6 km2 environ, écrasé par la masse de ce rocher qui prend toute la place et n’en laisse que peu à la ville qui doit se serrer entre la muraille et la mer, et qui pourtant veut croître et continuer de se peupler de yanitos, les gens de Gibraltar dont la langue est un mélange d’espagnol et d’anglais. Un territoire aussi petit que riche parce qu’il est une zone franche, un petit paradis fiscal et un lieu hautement stratégique, qui coûte cher à l’Angleterre mais qu’elle ne sait pas refuser, inquiète toujours de ce voisinage espagnol qui l’accule au bord de l’eau. Sa petitesse même l’oblige à quelque prouesse comme celle d’établir une usine de dessalement des eaux de mers pour approvisionner en eau potable les habitants, trop fiers et trop méfiants pour demander leur eau potable à l’Espagne. Une autre prouesse où particularité réside dans la présence d’une piste d’atterrissage cohabitant avec le passage de la douane. La piste coupe à la perpendiculaire l’unique route qui permet de sortir ou d’entrer dans Gibraltar. Aussi quand un atterrissage s’annonce faut-il couper la route à la manière d’un passage a niveau et depuis sa voiture regarder passer les avions.

Gibraltar est étrange, si minuscule et pourtant si sûre de son existence comme de celle de ces singes, des macaques berbères qui se promènent du rocher à la ville dans la plus grande simplicité. La légende veut que si les singes partent, Gibraltar cesse d’être anglaise, remettant ainsi leur destin entre les mains de ces animaux capricieux mais moins calculateurs que les couronnes Espagnoles et Anglaises. Ainsi c’est peut-être aux singes qu’appartient la ville, car leur présence n’en déplaise aux anglais les précède, elle date d’il y a si longtemps, quand le rocher et l’Andalousie toute entière était arabe et musulmane.

Quant au rocher, énorme et envahissant morceau de calcaire, on entreprit de l’habiter de l’intérieur. La roche tendre facilement se creuse et aux cavernes naturelles, les militaires ajoutèrent plus de 300 kilomètres de tunnels et galeries faisant de lui une sorte de grosse termitière. De ce roc il faut faire le tour et voir les minces meurtrières incisées dans son flanc pour voir en ce monstre inerte une possible machine d’espionnage, une base d’écoute, un repère de sous-marin ; il faut aller à la pointe pour voir le Maroc en face et le rocher Abyla, jumeau de Gibraltar et séparé de son frère à la force du bras d’hercule. Fendant la roche à coup d’épée, il ouvrit le détroit et la porte à la Méditerranée qui depuis se mélange à l’Atlantique. Et à l’endroit où ces eaux se mêlent, un peu plus bas au large de Tarifa, l’eau salée et plus lourde de la méditerranée passe sous celle plus douce de l’Atlantique, ce qui donne une saveur particulière aux baignades en ce lieu puisque l’on nage entre Europe et Afrique, entre Méditerranée et Atlantique et que la mer est bonne et le vent régulier.

 

Pour référencer cet article :

Armande JAMMES, Costa del sol, Openfield , 23 novembre 2012