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Une distinction pour les diplômes de paysage

Marion Guichard, Joséphine Pinatel, Raphaël Rapp. Trois noms, qui, pour l’instant peut-être, ne parleront à personne et ont comme dénominateur commun un prix, encore méconnu en raison de sa relative jeunesse. Mais pour ces trois récents diplômés, le temps de la proclamation des lauréats de la première édition du concours « Diplômes de paysage : les talents 2013 », qui a eu lieu en décembre dernier à l’occasion de la cérémonie des Victoires du Paysage, restera certainement en eux comme un souvenir fort, et comptera, on leur souhaite, pour leur avenir professionnel. Retour sur la naissance de ce nouveau concours et présentation de ses trois lauréats.

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Marion Guichard - Joséphine Pinatel - Raphaël Rapp Marion Guichard, Joséphine Pinatel, Raphaël Rapp.

Le soir du 13 décembre dernier, ils passaient plutôt inaperçus à l’Espace Pierre Cardin, dans le huitième arrondissement de Paris, lors de la cérémonie des Victoires du Paysage et de leur distinction à Diplômes de Paysage : les talents 2013. Une fois les proclamations faites et le cocktail ouvert, l’oeil naïf qui les voyait se glisser de tables en plateaux aurait pu les prendre pour de jeunes pic-assiettes coutumiers des réceptions et vernissages parisiens. Pourtant, il n’en est rien. Ils sont jeunes certes, mais derrière leurs visages élastiques à effacer tout trait de charrette, se cache des personnalités prometteuses, à la culture paysagiste solide, complétée déjà de convictions et d’un optimisme indispensables à une future pratique professionnelle. Ils jouent avec les échelles tout aussi bien qu’avec le verbe, et bien que primés, ils ont encore cette part de modestie qu’on aimerait qu’ils conservent le plus longtemps possible.

 

Extraits des panneaux de Marion Guichard
Extraits des panneaux de Joséphine Pinatel
Extraits des panneaux de Raphaël Rapp

 

Marion Guichard et Joséphine Pinatel, toutes deux diplômées de l’E.N.S.N.P. (l’Ecole Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois) et Raphaël Rapp, diplômé de l’E.S.A.J. (l’Ecole Supérieure d’Architecture des Jardins et des Paysages de Paris) ne s’attendaient pas forcément à cette distinction au moment de leur candidature. Et on peut les comprendre.
En effet, en ayant comme principale référence un contexte médiatique où n’est pas toujours valorisée la diversité des profils et des projets qui peuvent pourtant faire acte d’audace, d’intelligence et d’innovation, lorsqu’on candidate à un concours, on est toujours dans le droit de se demander légitimement qu’elle en est l’intention, et de quelle manière sa candidature va-t-elle être jugée.
Lorsque Marc Claramunt et moi-même, en nos qualités d’administrateurs de la FFP, et sur la base de nos expériences plus ou moins longues de paysagistes et d’enseignants, avons décidé, il y a un an, de monter ce projet, nous étions animés d’une double motivation : d’une part, à travers une exposition, faire connaître du public l’ensemble et la diversité – souvent méconnue – des écoles supérieures de paysage françaises, sur la base des travaux de leurs diplômés que ces dernières estimaient elles-mêmes les plus représentatifs et les plus aboutis, et d’autre part, de distinguer certains de ces travaux au travers d’un prix décerné par un jury pluridisciplinaire, impartial, et représentatif par ses profils et ses compétences de la diversité des sujets liés à la construction des paysages. Suivis par nos confrères de la FFP, c’est ainsi que nous avons pu mettre en place, au sein de celle-ci, le concours et l’exposition «Diplômes de paysages : les talents 2013», ainsi dénommés pour cette première édition. Ceci devant devenir, à terme, un rendez-vous annuel mettant en avant le travail de la jeune génération de diplômés des écoles supérieures de paysage reconnues par la profession.
Ce prix, nous avons souhaité à la FFP, et Marc tout autant que moi, qu’il constitue une distinction d’envergure nationale, attribuée à de jeunes diplômés, par un jury indépendant. Cette dernière notion étant fondamentale à la valeur que nous souhaitions lui donner. Il n’est pas rien de le rappeler.
Il est également important de préciser que cette action, quoique nouvelle pour une majorité – d’écoles, d’étudiants ou de professionnels – ne l’était que partiellement dans la forme. Les plus anciens des paysagistes en auront gardé peut-être de vagues souvenirs ? Elle se situe en effet dans la continuité de temps forts organisés par le passé, qui mettaient en valeur l’effervescence et la qualité de la production de jeunes diplômés, tels que l’exposition des meilleurs diplômes et du prix organisé par la FFP en 2004 à Bordeaux, et les journées des écoles organisées régulièrement par la FFP à Paris jusqu’en 1999.

Revenons-en au déroulé du concours et à nos jeunes lauréats.
Ce prix des meilleurs diplômes et travaux de fin d’études a été décerné à trois diplômés de l’année universitaire précédente après examen par deux jurys distincts.
Sur un total de quatorze candidatures reçues, présentées par cinq des écoles supérieures de paysages reconnues par la FFP (ENSP Versailles-Marseille, ENSAP Lille, ENSNP Blois, ESAJ Paris et Agrocampus Ouest) et après une première analyse sur dossier (panneaux de diplômes et mémoire) par un Jury d’Experts* composé de personnalités du monde du paysage, de l’urbanisme, de l’art et de la culture, de l’écologie et du végétal, cinq candidats ont été désignés comme finalistes.
S’en est suivi alors pour les finalistes, le 30 novembre dernier, dans les locaux du Groupe Le Moniteur, une présentation orale de leurs projets de fin d’études devant un Grand Jury composé de personnalités de premier plan que sont Laure Adler (journaliste, écrivaine, éditrice et productrice), Fabienne Giboudeaux (adjointe au Maire de Paris, chargée des espaces verts), et Jean-Pierre Le Dantec (architecte, historien et écrivain).
Les sujets, diversifiés, questionnaient souvent l’échelle des territoires. Ils visaient tant à définir des sites, qu’à en qualifier les enjeux et les réponses possibles en terme de projet de paysage. La grande échelle semblait à la mode dans les travaux de diplômes. Elle l’est, il me semble, depuis de nombreuses années d’ailleurs. Trop peut-être. Cette tendance au gigantisme est devenue récurrente dans les sujets de TFE, parfois au détriment d’un travail fin à l’échelle des lieux, là où la qualité du paysage et des ambiances passent par la nécessaire conception du détail, en lien même avec le plan. “Small is still beautiful “. Mais là est un autre sujet…
Revenons-en à nos cinq finalistes. Pauline Gillet (ENSNP Blois) abordait ainsi la question de la mutation d’une ancienne poudrerie à Bergerac. Marion Guichard (ENSNP Blois) requalifiait un no man’s land berlinois en corridor écologique. Elodie Legoubil (ENSAP Lille) amenait à découvrir la vallée de la Souleuvre en véritable éloge de la ruralité. Joséphine Pinatel (ENSNP Blois) proposait un nouvel avenir pour les abords délaissés de l’étang de Bolmon. Et enfin, Raphaël Rapp (ESAJ Paris) requalifiait et apportait de nouveaux usages au patrimoine délaissé des moulins à marée de la Rance.
Si tous ont été remarqués par le Jury d’Experts, seuls trois d’entre eux devaient faire l’objet d’une distinction par le Grand Jury.
Et le Grand Jury a tranché. Les travaux de Marion Guichard et Joséphine Pinatel de l’ENSNP Blois, et le travail de Raphaël Rapp de l’ESAJ Paris, ont séduit les jurés par leur approche maîtrisée du projet, entre poésie, ingénierie et temporalité.


Extrait du diplôme de Marion Guichard

Marion Guichard, dans son TFE encadré par la paysagiste Jacqueline Osty, abordait le no man’s land de l’ancien mur de Berlin. Par le projet, elle y déroulait une promenade urbaine comme véritable fil narratif de la ville, à travers des réponses écologiques et plastiques, justes et modestes, adaptées au contexte social et économique.


Extrait du diplôme de Joséphine Pinatel

Joséphine Pinatel, en s’attelant à dessiner un devenir aux rives de l’étang de Bolmon, s’engageait à construire un paysage désirable et désiré, à partir d’un espace aujourd’hui disqualifié, sans valeur apparente autre que celle d’un débarras de la ville. Un travail encadré par l’ingénieur-paysagiste Anne-Sophie Verriest.


Extrait du diplôme de Raphaël Rapp

Enfin, c’est en territoire breton que Raphaël Rapp avait orienté son travail de diplôme, sous l’oeil bienveillant du paysagiste Philippe Simonnet. C’est à l’échelle d’un estuaire entier qu’il s’est attelé à redéfinir un paysage utile autour des moulins à marée de la région. Une valorisation intelligente d’un patrimoine en déclin, par la mise en place de systèmes économiques basés tant sur l’agriculture que la production énergétique locale.

Une exposition des travaux des lauréats et de l’ensemble des candidatures sera organisée au Chai de Bercy, Paris XIIe, au printemps 2013, avec le soutien de la Ville de Paris. A l’occasion de l’inauguration seront remises les distinctions aux trois lauréats.

 

Note / Bibliographie :

* le Jury d’Experts était présidé par Jean-Pierre Charbonneau, urbaniste ; et composés de : Cédric Ansart, Sylvain Delboy, Pricilla Tétaz, paysagistes concepteurs ; Eric Vallette, plasticien ; Philippe Clergeau, écologue
 ; Max Martin, entrepreneur du paysage ; et Eric Burie, journaliste, rédacteur en chef de Paysage Actualités.

Pour référencer cet article :

Sylvain Morin, Une distinction pour les diplômes de paysage, Openfield numéro 1, Janvier 2013