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La belle histoire

Il était une fois dans le village de Faux-la-Montagne

Louise une habitante vient à décéder chez elle auprès des siens. Son souhait est de rester dans son village où elle a vécu heureuse. Elle demande à sa famille de disperser ses cendres au cimetière. Faux-la-montagne est un tout petit village de Creuse. Son cimetière jouit d’une vue imprenable sur la vallée. Seulement, il y a un hic : le cimetière ne possède pas de lieu pour déposer les cendres…

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… L’urne sur les bras, la famille de Louise entame des démarches auprès de la mairie. Que faire ? Les membres du conseil municipal se réunissent devant cette petite question qui devint soudain si grande. Comment intégrer un jardin du souvenir dans le cimetière sans bouleverser les habitudes ? Quel lieu choisir? À l’entrée, près du mur d’enceinte ? Non, Louise aimait tant le jardin et cette vue sur la vallée ! Ce n’est pas parce qu’elle est aujourd’hui en cendre qu’elle sera remisée dans un coin !

Le conseil municipal se tourne vers Marion Ponsard, paysagiste, et Hélène Chaudeau, conseillère funéraire, pour réunir les habitant.es de Faux autour de ses questions. C’est alors que commence une nouvelle page de l’histoire du village de Faux-la-Montagne.

La question du jardin du souvenir n’est pas le seul souci d’une famille, le cimetière est le gardien de l’histoire du village et des histoires de vies de ses habitants. Alors c’est sûr, il faudra que tout le monde ait son mot à dire : la famille de Louise, les agents communaux, les élus et les habitant.es.Marion et Hélène commencent par la visite aux agents communaux. Ce sont eux qui passent le plus de temps au cimetière et qui le dessinent tonte après tonte. La prise en considération de leur travail est déterminante dans le dénouement de notre histoire. « Comment travaillez-vous ? Combien de temps consacrez-vous à l’entretien du cimetière ? Que faites-vous des tombes abandonnées ? Le trouvez-vous joli ? Que voudriez-vous voir changer ? » Autant de questions ouvertes pour trouver un chemin qui leur convienne.
Puis ce fut le tour des habitant.es de prendre la parole lors de réunions publiques et d’ateliers suivis par une douzaine de personnes. Ce sont les ancien.nes du village qui se sont manifestés car plus concernés par ce lieu qu’une population plus jeune. Pourtant, on perd des êtres chers à tous les âges. Les rencontres organisées par Marion et Hélène ont été riches de sujets divers, à commencer par un état des lieux du cimetière : ses abords, les paysages alentour, les usages, les habitudes et surtout son entretien. Hélène expliqua les évolutions des pratiques funéraires, les gestes possibles de dispersion des cendres, les obligations et droits de la commune, les droits et toutes les libertés des endeuillés pour faire ou non un monument funéraire, etc.
Et de nouveau, elles posèrent beaucoup de questions aux participants : qu’est-ce que le cimetière représente ? Le trouvent-ils beau ? Comment les cérémonies se passent-elles quand il fait beau, quand il pleut ? Les échanges fusèrent, ils avaient tellement de choses à dire. On parla des tombes abandonnées ou peu entretenues, des petites querelles de voisinage, ceux.elles qui vont à pied et ceux.elles qui viennent en voiture, des plantes à chaque saison. Chacun.e avait son idée du beau et du propre.

Les cendres de Louise ont fait naître pleins de nouvelles réflexions assurant l’avenir du cimetière et en écrivant une belle histoire commune.

Descriptif du cimetière et des choix

Le cimetière de Faux-la-Montagne se divise en trois parties qui correspondent aux trois étapes de la vie du lieu : une partie ancienne datant de 1876 (la translation du vieux cimetière à l’extérieur du bourg), une première extension en 1980, puis une seconde extension en 2000. Trois parties, trois typologies différentes qui témoignent de l’histoire des cimetières et de nos rapports au monde des morts.

Plan d’ensemble de Faux-la-Montagne et position du cimetière. © Marion Ponsard
Carte de répartition du cimetière avec dates d’agrandissement. © Marion Ponsard

Le jardin du souvenir et le geste de dispersion

Pendant une journée d’atelier nous avons imaginé, sur site, à quoi pouvait ressembler le jardin du souvenir (ressenti de l’emplacement, sa dimension) et quels gestes nous aimerions faire pour disperser les cendres : soulever une motte de terre, disperser au vent, verser dans un puits… et puis nous avons regarder autour de nous, plus loin, nous avons évoqué les tumulus du Limousin. Les tumulus sont des amas de pierres, disposés en cercle, que les anciens élevaient au-dessus des sépultures. L’idée était là. Et si nous élevions notre propre tumulus, dans le cimetière, pour disperser les cendres sous les pierres !

Tumulus à Tarnac : Lintz Guy. Fouilles de tertres de pierres à Tarnac (Corrèze). In: Revue archéologique du Centre de la France, tome 18, fascicule 3-4, 1979. pp. 101-108

Le jardin du souvenir est donc composé d’un tumulus de pierres récupérées dans les environs et choisies par les habitant.es. Les cendres des défunts pourront être dispersées sous ces pierres. Le choix des pierres de granit revêt plusieurs qualités et importances. Il s’agit de la pierre de la région porteuse d’une histoire, d’un savoir-faire (tailleurs de pierre et maçons de la Creuse). Le granit pourra doucement marquer le temps qui passe en accueillant des mousses et des lichens. Le tumulus se confondra peu à peu avec son environnement.
Les habitants choisirent d’intégrer le lieu de dispersion dans la partie récente, venant casser le rythme des sépultures alignées et pour profiter d’un espace dégagé. Les habitants ont souhaité que le site soit bordé de végétation pour donner un peu d’intimité et favoriser le recueillement. Cet écrin sera composé d’une déclinaison de genêts au feuillage persistant (Cytisus scoparius, Genista porlock). À leurs pieds seront plantées des bruyères d’hiver, des callunes et des myrtilliers.
De petits ouvrages en pierres sèches ponctuent le jardin du souvenir et amorcent la suite des aménagements dans le cimetière : une assise et deux escaliers intégrés aux talus.

Lors de l’atelier, nous sommes tombés d’accord sur l’envie que le cimetière reste un lieu dégagé d’où profiter de la vue sur les forêts alentour, c’est sa singularité. Néanmoins, pour apporter de l’ombre autour de l’assise, nous proposons la plantation d’arbres à petit développement (dont la hauteur ne dépasse pas 10 m) : un pommier commun et un amélanchier pour les floraisons printanières et les fruits. L’ancien mur d’enceinte séparant la première extension et la nouvelle partie sera habillé de plantes grimpantes et accueillera des plaques de remarques des personnes dispersées (plaques en porcelaine ou en lave émaillée pour garder le langage patrimonial des cimetières du Limousin). Des columbariums en pierres sèches sont intégrés au talus pour accueillir des urnes. Ils viennent habiter le talus au fur et à mesure des demandes. Un débord permet d’y déposer des fleurs et des objets.

Le chantier du tumulus et les plantations seront réalisés lors de chantiers ouverts aux habitant.es. Les ouvrages de pierres sèches seront des chantiers-écoles portés par des entrepreneurs locaux.

Une répartition des espaces cinéraires

Les habitants ont convenu de ne pas forcément rassembler les personnes crématisées dans un même ensemble. Les espaces d’inhumation d’urnes seront répartis sur l’ensemble du cimetière. Dans la partie ancienne peu accessible aux engins motorisés, un protocole de reprise de sépultures est en cours pour permettre de libérer des espaces à cet effet. La commune ne fera pas de construction de cavurne anticipée et laissera le choix d’une inhumation d’urne en pleine terre ou dans un cavurne.

Des séances d’entretien collectif

Lors des différentes visites et ateliers, les habitant.es ont pointé la difficulté de certains anciens à entretenir les tombes de leurs proches. Le projet d’organiser des temps avant les Rameaux et la Toussaint, où les jeunes et valides volontaires seront conviés à aider les anciens. Nous espérons des temps de rencontre entre les générations autour d’un échange de petits gâteaux et de coups de main. Pour inaugurer cette idée, nous avons commencé par une première séance peu avant les Rameaux (fin mars) pour récupérer les chrysanthèmes jetés en pleine repousse. Ils ont été disposés dans les espaces vides désignés pour recevoir dans le futur des bancs. Cette première intervention d’embellissement a déjà provoqué son petit effet, en laissant des zones non tondues où les chrysanthèmes reprennent bien et des adventices fleurissent pour le plaisir de tous.tes. De petits massifs champêtres au milieu des tombes abandonnées viennent casser un peu l’austérité des lieux.

Vue de face de l’espace cinéraire dans le nouveau cimetière. Columbariums, bancs et escaliers en pierres sèches © Marion Ponsard
Vue de côté de l’espace cinéraire vers l’ancien nouveau cimetière. Tumulus et mur d’enceinte pouvant accueillir le nom des défunts © Marion Ponsard

Une charte d’utilisation du cimetière

Les communes possèdent la plupart du temps un règlement de cimetière. Celui renseigne sur les tarifs, la gestion des concessions, les horaires d’ouvertures et la bienséance souhaitée par la commune. Bien souvent ce règlement est méconnu des habitants. Il est rédigé dans un sens directif et à la négative avec des interdictions. Nous souhaitons apporter des informations plus ouvertes en guidant les habitant.es au mieux dans leur choix.

Pour Faux-la-Montagne, nous avons décidé de créer un livret comprenant : les tarifs, dimensions et durée des concessions, un guide de création de sépultures, un petit guide d’entretien des monuments en pierre naturelle, une palette végétale saison après saison, l’usage au quotidien du cimetière (lieux d’information, zone de tri des déchets…) un annuaire des artisans locaux, des entrepreneurs funéraires, des professionnels et associations pouvant aider au deuil.

Nous espérons que ce livret contribuera à guider les endeuillés pas à pas. Ces derniers sont des acteurs clefs dans le visage du cimetière et de sa richesse de sépulture. En donnant une information complète, nous espérons lutter contre l’uniformisation des monuments, permettre de réaliser des sépultures en adéquation avec les moyens financiers et les convictions des endeuillés. De plus cela permet la valorisation des savoir-faire locaux comme la ferronnerie, la menuiserie, la sculpture, des conseils paysagers : fleuristes, pépiniéristes…)

Une expérience fondatrice

Le projet de Faux-la-Montagne fut notre toute première collaboration. Nous avons toutes deux des expériences d’actions participatives et collectives. Nous élaborons les projets depuis les personnes concernées. Le projet de Faux-la-Montagne, nous a permis de faire converger nos approches de terrain et de penser nos protocoles de travail autour des sujets suivants :

Faire ensemble

Nous considérons que les temps de réflexion, de conception communes et les séances d’actions collectives sont déterminants et font partie intégrante des projets. La qualité des échanges entre les habitants, les agents et les élus apportent une nouvelle mémoire au cimetière.

Pénétrer dans le cimetière avec l’idée des travaux communs, permet de raconter une nouvelle histoire et renforce le sens commun du cimetière. Nous espérons que ces liens seront perceptibles lors des cérémonies funéraires où les endeuillés pourront sentir que le lieu est accueillant et aimé des habitant.es

L’entretien d’abord

Penser l’entretien d’un espace paysager ou végétalisé, ou celui d’un cimetière est la base pour s’assurer de la viabilité du projet. Les personnes en charge de l’entretien sont centrales et ouvrir la responsabilité commune de celui-ci remet en perspective les enjeux de beau et propreté des cimetières. Chaque commune trouvera son équilibre avec les compétences et les sensibilités de tous. Les séances d’entretien collectif ne sont pas des moments de grands travaux mais ils ouvrent la discussion. Petit geste par petit geste, tailler le lierre de la clôture, récupérer les chrysanthèmes, tresser les branches de saule va être autant de vecteur de paroles et d’écoute entre les participants.

Atelier participatif à Faux. @ Hélène Chaudeau

Autres considération et pistes de travail en cours

Le cimetière minéral en transition

Certaines communes et des groupes de citoyen développent des initiatives remarquables de cimetières naturels et de forêts cinéraires. Ces initiatives répondent à la nécessité écologique et au changement de rapport à la mort en la réintégrant dans le cycle du vivant. Le cimetière du Souché à Niort, la forêt cinéraire d’Arbas (31) ou la commune de Muttersholtz (67) font figures de sites précurseurs sen France.
Ces initiatives sont regardées avec attention par les communes. Elles répondent aux attentes des pratiques funéraires et donnent une solution à l’application de la Loi Labbé (arrêt des produits phytosanitaires).
Mais beaucoup de communes ne sont pas prêtes pour ce changement. Cette loi provoque des réactions diverses dans les équipes municipales. Il y a celles qui votent pour une végétalisation des espaces de circulation, d’autres qui décident de bétonner pour « faciliter » l’entretien. Toutes répondent à leur manière aux exigences de leurs administrés sur la « propreté » des lieux pour le respect des défunts. En cela, il n’y a pas de doute que le cimetière minéral a encore de beaux jours devant lui.
Par exemple, le cimetière du Souché de Niort est un cimetière minéral classique qui a été agrandi avec une parcelle naturelle. Cette dernière est petite et la municipalité réfléchit déjà à étendre sa surface. En revanche, le cimetière d’origine reste intact. Les habitants constatent aisément les différences de température entre les deux lieux en plein été et les autres bénéfices d’un tel lieu. La surpopulation du premier cimetière n’est pas résolue et les services funéraires s’emploient toujours à chercher des adaptations.

Ainsi la transition s’échafaude dans un cimetière hétéroclite. Il s’agit, dans un premier temps, de garder la pluralité des sépultures et d’inventer une mixité pour permettre au cimetière minéral de retrouver du souffle.

Espace cinéraire de l’ancien cimetière de Souché © Stéphanie Gavard
Vue de l’ancien cimetière depuis le cimetière naturel à Souché. © Stéphani Gavard

La place des cendres

Dans les années 70, la crémation représentait seulement 1% des décès, elle compte aujourd’hui plus de 40% (50 à 60 % en milieu urbain). Toutes les communes de plus de 2000 habitants se doivent aujourd’hui de posséder un espace cinéraire. Beaucoup de petites municipalités ont ainsi dû en créer un à la hâte.
Par ailleurs, cette pratique funéraire est nouvelle et la création d’infrastructures pour les accueillir évolue elle aussi. Le mobilier cinéraire des années 2000 avec son cortège de forme pyramidale ou d’empilement a marqué les cimetières et les esprits. Bons nombres de sites cinéraires sont dans un coin, ou à l’entrée proche des poubelles. Les espaces de dispersion sont bien souvent trop petits. Les derniers endeuillés ou pompes funèbres n’ont pas soulevé les galets provoquant une croûte de cendres à la première pluie. Celle-ci restera visible pour une bonne année. Tous ces choix ou non-choix rendent le recueillement inconfortable et le choix de la crémation stigmatisant. Il nous paraît primordial d’aider les communes à prendre le virage de la mutation des rites funéraires et d’assurer l’égalité de place entre les inhumés et les crématisés.

Une politique de reprise des concessions raisonnée

Les municipalités sont aujourd’hui exposées à une surpopulation de défunts. Elles doivent repenser leurs cimetières en adéquation avec leur démographie et faire face aux pics de mortalité comme la canicule en 2004, plus récemment la crise de la Covid et bien-sûr le papy-boom. Une des solutions apportées par la loi est la reprise de concession. Cette tâche s’avère complexe notamment dans le respect des règles juridiques de recherche d’ayant-droit. De plus, les reprises peuvent se révéler très coûteuses pour la commune. En effet pour rendre disponible à nouveau la concession, elle se doit d’évacuer le moment et faire exhumer les défunts. La commune doit peser le coût financier entre les reprises ou un agrandissement.

Les reprises systématiques des espaces concédées échues ou abandonnées ont pour effet d’appauvrir le patrimoine sépulcral et de perdre la singularité du cimetière.
Cependant la reprise de concession est un outil très intéressant. Nous proposons des protocoles de reprise pour repenser la politique du cimetière. En reprenant la main sur des espaces concédés, la mairie peut alors faire les choix suivants :

• Remettre en concession (inhumation ou cinéraire)
• Décider d’attribuer l’emplacement en terrain commun
• Préserver son patrimoine en restaurant la sépulture ou permettre la vente de ce monument pour un réemploi.
• Redonner de l’air dans la circulation des espaces
• Un espace végétalisé

Autant de choix qui peuvent donner les clefs d’un cimetière choisi.

Le droit à l’oubli

Sous ces aspects romantiques avec ces sépultures anciennes de guingois. Il est un lieu de mémoire commune, nous rappelant que nous allons nous aussi mourir. On y voit le temps passer, et nous y prenons la mesure d’un deuil en cours qui nous rappelle à la vie. Le cimetière est un lieu mouvant, il ne cesse d’évoluer au gré de nos convictions et des changements de société. Ce lieu en apparence figé par les monuments en pierre regorge de vie. La végétation fait sa place dans les interstices et nous rappelle que le repos éternel se confond parfois avec l’oubli pour prendre les atours poétiques d’un lierre recouvrant la tombe.

Cavurne naturel à Souché © Stéphanie Gavard

Un lieu de mémoire collectif

Les transformations sociales dues à la mobilité pour les études, le travail, l’amour… caractérisent notre population comme mobile qui ne se définit plus par son lieu de naissance. Les familles sont éclatées et sont aujourd’hui souvent multiples ou recomposées. Tout cela rend difficile la visite au cimetière, l’entretien de la sépulture. Dès lors, le recueillement ne fait au plus au cimetière, et prend une forme plus conceptuelle. On pense à son défunt, on le célèbre à distance en le convoquant par des photos, des souvenirs, ou tous autres objets de mémoire.
Et pourtant… Si nos défunts nous apportaient un ancrage ? S’ils nous aidaient à faire nos racines quelque part ?
Imaginons que vous déménagiez dans une nouvelle commune, vous vous rendez au cimetière pour déposer une photo, un objet sur un autel des morts dédié à cela. Vous leur donnez alors une nouvelle place près de vous. Ne serait-ce pas un moyen pour vous ancrer dans votre nouvelle vie dans cette ville ou village ?

Aménager un lieu de mémoire des morts pour tous, c’est l’idée qui nous porte de plus en plus. Elle ouvre une nouvelle possibilité à des gens de faire leur deuil et de s’ancrer dans la communauté des morts de son village. De nombreux ouvrages tels que Au bonheur des morts de Vinciane Despret, ou encore Le travail des morts de Thomas Laqueur montrent ainsi la place curative et politique des morts.

Voici, pour finir, un exemple vécu sur le plateau de Millevaches :

Lors d’un conflit d’implantation d’une usine dans un village du Limousin, les habitants de plusieurs communes se sont réunis pour débattre de l’utilité de cette entreprise pour leur territoire. Les échanges sont très vite devenus houleux. Un clivage marqué dans la salle se dessinait avec les « natifs » et les « néo-ruraux ». L’intervention d’un natif commença par nommer ces ancêtres au cimetière pour signifier son lien d’attachement et de légitimité de son opinion. Puis chacun.e a commencé son intervention en donnant son année d’arrivée et s’il avait des êtres chers au cimetière.
Avec cet exemple, on peut considérer le pouvoir politique des ancêtres qui sont convoqués pour légitimer une position sociale, une intégration au territoire. En réaction à cet événement, nous avons souhaité formaliser notre lien d’attachement à notre lieu de vie en déposant des petits cailloux chargés de nos morts sur une sépulture abandonnée du village.

 

Note / Bibliographie :

Thomas Laqueur, Le travail des morts : Une histoire culturelle des dépouilles mortelles, Collection NRF Essais, Gallimard, 2018

Vinciane Despret, Au bonheur des morts : récits de ceux qui restent”, aux éditions de la Découverte, 2017

Vinciane Despret, Les morts à l’œuvre, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2023

Pour référencer cet article :

Hélène Chaudeau & Marion Ponsard, La belle histoire, Openfield numéro 21, Juillet 2023