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Végétal local

Le végétal pour valoriser les spécificité des territoires

Planter des haies, semer des prairies fleuries, restaurer des écosystèmes, créer des bosquets ou aménager des parcs publics… toutes ces actions nécessitent des végétaux choisis en fonction des usages escomptés. Si les critères esthétiques ou fonctionnels prévalent depuis longtemps, la notion d’origine ou de provenance du végétal utilisé rentre aujourd’hui de plus en plus en ligne de compte chez les utilisateurs, notamment pour les végétaux sauvages proposés par les pépiniéristes et semenciers.

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Et il ne s’agit plus seulement de savoir si l’espèce existe à l’état naturel dans la région. Aujourd’hui l’attente des utilisateurs est bien de savoir si l’arbre acheté provient bien des forêts de la région. L’origine locale de ces végétaux est en effet une nécessité écologique et économique. Elle permet de reconstituer des communautés végétales cohérentes et favorise la réussite des semis et des plantations avec des végétaux adaptés aux conditions du site d’implantation. Les caractéristiques génétiques acquises localement par la flore sauvage au fil des siècles lui confèrent en effet un avantage lorsque celle-ci est utilisée dans son territoire d’origine. L’utilisation de végétaux indigènes d’origine locale limite aussi le risque de propagation de maladies ou de ravageurs, l’exemple récent de la pyrale du buis illustre les conséquences d’un marché international de végétaux non contrôlé.

L’origine locale des végétaux doit impliquer une production locale, à partir de collectes dans le milieu (principalement sous forme de graines), par des pépiniéristes et semenciers ne pouvant être concurrencés sur cette gamme par des importations européennes ou internationales.

Jusqu’alors, la règlementation en vigueur n’imposait aucun contrôle en matière de provenance ou d’origine pour l’ensemble des végétaux sauvages, herbacés comme ligneux. Le consommateur, qu’il soit maître d’ouvrage d’aménagement, collectivité ou particulier ne pouvait donc disposer d’aucune garantie sur la véritable origine du végétal sauvage acheté ou utilisé. La traçabilité était bien souvent inexistante sur cette gamme de végétaux.

En 2011, le Ministère en charge de l’écologie a proposé un appel à projets dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité, intitulé « Conservation et utilisation durable d’espèces végétales indigènes pour développer des filières locales » visant à faire émerger des garanties dans ce domaine. Et c’est ainsi que trois associations : la Fédération des Conservatoires botaniques nationaux (FCBN), Plante & Cité et l’Afac-agroforesteries, ont répondu conjointement à cet appel en proposant un cahier des charges national de traçabilité des végétaux sauvages (projet « Flore-locale & Messicoles » de 2012 à 2014).

Il a donc fallu tout d’abord définir ce qu’était un végétal d’origine locale et ce qui limitait géographiquement la notion de « local ». Un panel de plus de 20 scientifiques et l’ensemble des Conservatoires botaniques nationaux ont été associés à la démarche pendant deux années, pour définir une carte des régions biogéographiques françaises. La carte des régions d’origine était née, divisant la France en 11 grands ensembles géographiques sur la base de leur homogénéité écologique. C’est cette carte qui sert de base à toute la démarche actuelle.

Carte des régions d’origine Végétal local

Dans le même temps, pour qualifier un végétal sauvage de « local », nous avons conçu un cahier des charges précisant les conditions correctes de collecte, production, traçabilité et contrôle assurant à la fois :
– Une conservation de la ressource in-situ (pour éviter les destructions de populations de plantes sauvages par exemple) ;
– Une conservation de la diversité génétique (aussi large que possible) des végétaux prélevés, aux différentes étapes depuis la collecte jusqu’à la commercialisation (pour éviter de retrouver des clones de plantes sauvages sur le marché ou de faire subir une forte sélection aux plantes multipliées) ;
– Une traçabilité rigoureuse permettant d’éviter le mélange de plantes ou graines issues de régions d’origine différentes et d’éviter la vente de mélanges de semences ayant subi de trop nombreux cycles de multiplication (pouvant induire une sélection du matériel végétal) ;
– Un système d’audit indépendant et régulier des producteurs, garantissant le respect des exigences techniques du cahier de charges, en matière de collecte, production, traçabilité, gestion des stocks…

L’ensemble de ces outils et principes ont été regroupés sous forme d’un règlement d’usage et d’un référentiel technique qui ont servi de base à la définition du label « Végétal local », déposé à l’INPI en Janvier 2015 sous forme de marque collective simple. Ce label qualifie les végétaux, herbacés et ligneux qui répondent aux exigences du référentiel technique tel qu’élaboré par le projet porté par la FCBN, Plante & Cité et l’Afac-agroforesteries.

Ce label s’adresse donc aux pépiniéristes, semenciers, collecteurs et autres producteurs de végétaux qui souhaitent valoriser leurs plantes et arbres sauvages par une garantie sur l’origine locale de leurs végétaux, dans le respect des ressources naturelles de leur territoire.

Depuis l’annonce de lancement faite au Salon du végétal à Angers en février 2015, les candidatures au Label Végétal local ont afflué. Déjà 26 pépiniéristes et semenciers ont proposé un dossier de candidature pour valoriser leurs semences et plants locaux via le label. Depuis Novembre 2015, dix d’entre eux ont reçu du comité de Marque, l’autorisation d’utiliser le label « Végétal local » pour garantir l’origine locale de leurs productions. D’autres attributions du label auront lieu au printemps 2016, par le comité. Celui-ci est constitué de différents collèges professionnels et scientifiques et se réunit deux fois par an pour examiner les dossiers de candidature et attribuer les avis d’autorisation à l’utilisation du label :

– un collège de producteurs ;
– un collège d’utilisateurs ;
– un collège de prescripteurs ;
– un collège scientifique ;
– des représentants des Ministères de l’Ecologie et de l’Agriculture ;
– les trois associations à l’origine du projet.

Dans le même temps, un autre label plus spécifiquement dédié aux plantes messicoles (compagnes des cultures) a également été développé. Les plantes messicoles sont les « habitantes des moissons ». Ce sont des plantes annuelles, le plus souvent dépendantes des cultures de céréales et des pratiques liées à ces cultures, comme le coquelicot ou le bleuet. Ce label, « Vraies messicoles », garantit la présence, dans les mélanges de semences bénéficiaires, de 100% d’espèces compagnes des cultures, d’origine locale et non horticoles. L’objectif prioritaire est la conservation des populations de plantes messicoles ayant subi une forte régression depuis l’intensification de l’agriculture, notamment du fait de l’utilisation d’herbicides de manière plus ou moins généralisée. Ce label garanti également des pratiques de collecte permettant une conservation des populations en place et une production maintenant des niveaux élevés de diversité génétique dans les lots de semences.

D’autres pays européens avaient déjà développé des filières d’approvisionnement en végétaux locaux d’origine sauvage et des signes de qualité garantissant l’origine géographique (Allemagne, Autriche, Angleterre, Norvège, Suisse…). Certains de ces pays, comme l’Allemagne ou la Norvège, ont également fait évoluer leur règlementation qui oblige ou obligera prochainement les maîtres d’ouvrage des aménagements à utiliser des végétaux d’origine locale garantie.

C’est donc dans un contexte de prise de conscience générale de l’importance de l’origine « génétique » des végétaux pour la conservation de la biodiversité que se développe le label Végétal local. Ce label permet de valoriser le travail de producteurs qui effectuent déjà des récoltes en milieu naturel de graines de base pour leur production. Mais l’émergence de ce label va plus loin, en créant de nouveaux métiers jusqu’alors très « confidentiels » (récolteurs de graines de ligneux sauvages ou d’herbacées, naisseur…) et de nouvelles filières dans les territoires, avec l’appui d’un réseau de correspondants locaux au label.

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Pépinières Naudet Préchac, ©Sandra Malaval

Citons ici l’exemple de la filière en construction dans les Pays de Loire visant à la production d’arbres et d’arbustes d’origine locale, issus de graines prélevées dans le milieu naturel et qui prévoit l’émergence d’une activité professionnelle pour cette production, via l’animation de la Fédération régionale des chasseurs, du Lycée agricole du Fresne et avec le soutien du Conseil régional. Cette dynamique locale est créatrice d’emplois non délocalisables et de végétaux participant à la conservation de la biodiversité et des paysages régionaux. Via le label, ce projet trouve un cadre et une valorisation, un soutien technique et scientifique qui valorise cette approche tant au niveau des partenaires financiers que des utilisateurs potentiels.

Le développement de cette filière dépend de l’appropriation des enjeux par les différents acteurs. Les paysagistes en lien avec les écologues sont souvent les prescripteurs pour les projets d’aménagement d’espaces naturels. Pour permettre aux pépiniéristes d’adapter leur gamme végétale dans le cadre du label Végétal local, les prescripteurs doivent dialoguer avec les fournisseurs en amont des projets à propos des végétaux qui les intéressent sur leurs territoires de projets. L’idéal est de pouvoir anticiper et mettre en place avec les pépiniéristes des contrats de cultures. Les réseaux de planteurs de haies de l’Afac Agroforesteries s’organisent pour structurer ces filières du récolteur au planteur de jeunes plants ligneux.

Les collectivités s’intéressent à ce label qui répond aux objectifs de leurs politiques d’achat durable et d’actions en faveur de la biodiversité. Ainsi la communauté urbaine de Strasbourg a publié récemment le « Guide plantons local » et souhaite intégrer ces critères dans ses marchés d’achats de végétaux pour une conception et une gestion écologique des espaces de nature en ville.

 

Note / Bibliographie :

Pour aller plus loin : http://www.fcbn.fr/vegetal-local-vraies-messicoles

Pour référencer cet article :

Sandra Malaval, Damien Provendier et Michel Boutaud, Végétal local, Openfield numéro 6, Février 2016